"Psychose", "Sueurs froides", "L'Homme qui en savait trop", autant de titres de films dont notre mémoire associe en même temps des images de peurs et des musiques angoissantes. Recueillant plusieurs thèmes des films les plus connus d'Alfred Hitchcock, voici une compilation intéressante et inédite qui vous replongera dans les chefs d'oeuvre du maître du suspense et son compositeur attitré Bernard Herrmann. Ce disque met en lumière les liens étroits qui unissent la musique à l'image et l'appui que peut prendre le réalisateur sur certaines mélodies pour souligner l'atmosphère ambiante, souvent angoissante.

Dans un film très obscur "Hangover Square", on voyait un compositeur se transformer en tueur psychopathe chaque fois qu'il entendait l'une de ses oeuvres. Dans "Psychose", le couteau d'Anthony Perkins et les hurlements de violons semblent ne faire qu'un, comme si la musique était l'arme du crime. Les musiques étaient signées Bernard Herrmann. Historiquement, l'homme occupe une place à part dans le panthéon hollywoodien. Né à New York en 1911, Bernard Herrmann démarre sa carrière avec "Citizen Kane" et son hypnotique séquence d'ouverture (Rosebud). Orson Welles et lui s'étaient rencontré alors qu'il illustrait pour le fameux Mercury Theatre on the Air les grands cauchemars radiophoniques que furent "Dracula" et "La Guerre des mondes". D'emblée, il frappe les esprits par son style étrange et glacé, son invention baroque, son sens aigu de la manipulation sonore. Les rapports entre les réalisateurs, les chefs d'orchestre n'étaient pas toujours cordiaux. Le compositeur était odieux, colérique, un vrai bouledogue.

En dehors du cinéma, Herrmann a laissé une production aussi abondante que romantique (symphonies, cantates) où perce sa nostalgie d'un XIXè siècle révolu ; il travailla pendant huit ans sur une adaptation des "Hauts de Hurlevent" sans jamais réussir à la faire représenter pour son plus grand malheur. Dans les années 50, le compositeur, porté par l'essor de la stéréo et du cinémascope, va donner libre cours à son sens de la fantaisie sonore. C'est l'époque des grands films d'aventures "Le Septième voyage de Sindbad", "Voyage au centre de la Terre", "L'Iles mystérieuse", "Le Jour où la Terre s'arrêta". Herrmann s'y révèle un orchestrateur hors pair et un véritable sorcier des sons. Sa plume se fait scintillante, sensuelle, débridée. Son imagination ne connaît plus de limite et se livre à toutes sortes d'expériences musicales contre nature. Herrmann est sans doute, de tous les musiciens d'Hollywood, celui qui a su tirer parti des instruments de la manière la plus extravagantes ; un parti d

Bernard Herrmann s'impose alors comme le musicien le plus angoissant d'Hollywood, et c'est tout naturellement qu'Alfred Hitchcock fait appel à lui. Huit films, de 1955 à 1964, vont jalonner cette collaboration dont "Le Faux coupable", "Pas de printemps pour Marnie", "Mais qui a tué Harry ?"... Au contact d'Alfred Hitchcock, le compositeur signe des musiques d'une beauté renversante et d'une puissance dramatique insurpassable. Des constructions maniaques qui consistent généralement à clouer le spectateur dans son fauteuil dès les premières secondes du générique avant de distiller ce sentiment de panique au fil des scènes.

Lâché par Hitchcock, Herrmann se retire à Londres, il ne doit son salut qu'à une poignée de cinéastes sensibles à son aura hollywoodienne, qui font appel à lui par fétichisme. Après avoir publié ses entretiens avec Hitchcock, Tuffaut commande la musique de "Fahrenheit 451" et de "La Mariée était en noir". Pour "Obsession" et "Soeurs de sang", Herrmann s'applique à faire du Herrmann aussi scrupuleusement que De Palma à parodier le maître du suspense. Quelques heures avant de mourir (le 24 décembre 1975), il travaillait encore à sa musique pour "Taxi Driver" à la demande de Scorcese, l'un de ses grands admirateurs. A écouter le merveilleux thème du film, Bernard Herrmann ne connaissait peut-être rien aux chauffeurs de taxi (réponse faite au réalisateur), mais au contraire, pas mal de choses de la vie.